lundi 29 septembre 2008

Articles non-publiés #1


Articles d'actualités des sciences non-publiés, destinés à un magazine de culture générale, numéro de septembre 2008. Chaque article était accompagné d'une illustration légendée.


Environnement

Les plantes grimpent pour chercher la fraicheur

Avec le réchauffement climatique, les plantes prennent de l'altitude pour trouver un peu de fraicheur. C'est cet étonnant constat qui est publié par une équipe de chercheurs du CNRS, de l'INRA et d'AgroParisTech, dans la revue Science. En se basant sur les inventaires floristiques français établis entre 1905 et 2005, les botanistes ont analysé l'évolution des aires de répartition de 171 espèces végétales (herbacées et ligneuses). Au vu de l'augmentation de 0,6 °C de la température moyenne durant cette période, l'étude montre clairement que les plantes se sont hissées en moyenne de 29 m par décade, cherchant ainsi à se maintenir dans une zone à la température favorable au développement et à la reproduction. De plus, les chercheurs ont pu mettre en lumière un phénomène particulier : le déplacement du « centre de gravité » de chaque aire de répartition (zone de densité maximale). Habituellement, dans ce genre d'étude floristique, seules les frontières de l'aire sont étudiées mais les résultats de cette étude montrent que ce ne sont pas seulement les marges qui fluctuent, mais bien l'ensemble de la population végétale.

Un tiers des espèces de corail menacées d'extinction
Tel est le constat alarmant de la première étude mondiale détaillée sur le statut de conservation des coraux constructeurs de récif. Les 39 scientifiques, parmi les meilleurs experts en coraux, ont uni leurs compétences pour appliquer sur ces animaux les critères de l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Ainsi, sur 704 espèces à statut de conservation, 231 ont un risque élevé d'extinction. Les scientifiques pointent du doigt le réchauffement climatique d'une part, qui modifie la température ou l'acidité de l'eau, et d'autre part les activités humaines : pêche intensive, pollution, etc. Signe de cette hécatombe, le blanchiment des coraux est le résultat de ces perturbations, qui provoquent la fuite des zooxanthelles, ces algues symbiotiques qui leur donnent des couleurs si vives. D'après les scientifiques, les récifs coralliens, qui ont mis des millions d'années à se construire, abritent plus de 25 % des espèces marines, ce qui en fait l'écosystème marin le plus biologiquement diversifié. Lorsque les coraux s'éteignent, les animaux qui en dépendent pour leur nourriture ou leur habitat sont gravement menacés.
Symbiose : type de relation écologique durable et bénéfique entre deux être vivants où chacun fournit à l'autre un bien nécessaire à sa survie (énergie, nutriments, abri). Le lichen est issu d'une symbiose entre une algue verte et un champignon.

Les incendies de forêt seraient-ils bons pour le climat ?
Aux États-Unis, les incendies de forêt causés par la foudre détruisent couramment les arbustes et les buissons. Mais depuis 1910, ils sont systématiquement combattus par les pompiers, ce qui a permis à ces étages de végétation de se développer. En toute logique, la croissance des forêts devrait diminuer le taux de CO2 atmosphérique car les végétaux prélèvent ce gaz pour l'incorporer dans leurs tissus. Pourtant, une étude menée par deux scientifiques américains tendrait à prouver le contraire. En comparant les inventaires forestiers californiens entre les années trente et les années quatre-vingt dix, les chercheurs ont effectivement observé que si la densité d'arbre a augmenté de 4 %, l'absorption de carbone a diminué en parallèle de 34 %. Pour expliquer ce paradoxe, les chercheurs concluent que les petits arbres et arbustes sauvés depuis par les pompiers « font de l'ombre » aux plus grands car ils sont entrés en compétition avec eux. Affaiblis, les grands arbres voient leur santé décliner, ce qui affecte leur capacité à stocker le carbone. Ce résultat contre-intuitif ne manquera de changer la donne en matière de politique de lutte contre les incendies.


Médecine

Progeria : un espoir de traitement
Cinq ans seulement après la découverte du gène responsable de la progeria, des chercheurs espagnols (Université d'Oviedo) et français (Université de la Méditerranée/INSERM) ont mis au point un traitement qui ralentit significativement ses effets. Cette maladie génétique rare est due à l'accumulation cellulaire d'une protéine tronquée, la progérine, à laquelle vient se fixer un acide gras, induisant une toxicité intra-cellulaire. Pour réduire cette toxicité, les chercheurs ont choisi comme voie de traitement le blocage de la synthèse de l'acide gras incriminé. Après plusieurs essais, une combinaison particulièrement efficace de deux substances pharmacologiques a été retenue. Chez les souris malades, la durée de vie est ainsi passée de 101 à 179 jours en moyenne. Un protocole clinique de traitement sur des enfants atteints est sur le point de démarrer dans le but de ralentir la progression de la maladie. La progeria, qui touche une centaine d'enfants dans le monde, provoque un vieillissement prématuré et accéléré. Toutes les recherches citées ont pu être menées grâce au soutien financier de l'AFM, par l'intermédiaire des dons du Téléthon.

Déjouer les tentatives d'évasion des cellules tumorales
Dans le corps humain, il arrive parfois qu'une cellule imparfaite ne soit pas détruite et continue à se diviser anarchiquement, pour former une tumeur. Ces cellules sont tellement déréglées qu'elles peuvent quitter cet amas chaotique pour aller se fixer plus loin dans l'organisme : c'est la métastase. Dans le cancer du sein, la membrane qui entoure la glande mammaire est imperméable mais les cellules tumorales arrivent tout de même à migrer. Par quels moyens ? C'est ce mécanisme de dissémination que vient de découvrir l'équipe de Phillipe Chavrier (CNRS/Institut Curie). Pour réussir son évasion, la cellule se fixe tout d'abord sur la membrane, grâce à des excroissances (invapodia). Puis trois protéines interviennent pour acheminer au point de fixation un véritable matériel de forage enzymatique, des protéases. Une fois ces protéases sur le front, une quatrième protéine agit pour les faire sortir afin qu'elles commencent leur travail de perçage de la membrane. La cellule n'a plus qu'à s'échapper. Cette découverte incitera les chercheurs à agir au cœur de ce dispositif d'évasion, en ciblant notamment leur traitement sur les quatre protéines en question.

Une carte des connexions du cerveau humain
Le cortex cérébral humain est un vaste et complexe réseau qui forme la couche extérieure du cerveau, d'où dix milliards de neurones interconnectés (substance grise) projettent vers l'intérieur leur prolongement nerveux, les axones. Jusqu'à présent, les scientifiques ne pouvaient techniquement pas se représenter la circulation des influx nerveux dans le cortex, lieu central de traitement de l'information. Mais des chercheurs américains et suisses ont récemment réalisé l'exploit d'établir la première carte des connexions du cerveau en haute définition. Pour cela, ils ont quadrillé le cortex en 998 régions de 1,5 cm², observées à l'aide d'une nouvelle technique d'imagerie dérivée de l'IRM, la DSI. Là où l'IRM décrit une région entière du cerveau dans une situation cognitive donnée, la DSI permet de détecter les mouvements de diffusion de molécules le long des axones, établissant ainsi une carte détaillée des connexions les plus empruntées et des nœuds les plus actifs. La technique ayant fait ces preuves, c'est tout un pan de l'étude des pathologies mentales qui devrait à terme en bénéficier : schizophrénie, épilepsie ou encore maladie d'Alzheimer.


Matière et espace

Matériaux amorphes : des solides liquides
Quel est le point commun entre la mayonnaise, une mousse au chocolat et une crème de beauté ? La structure atomique de ces produits est désordonnée comme un liquide, mais curieusement figée comme un solide, dont les atomes sont ordonnés (cristallin). Très présents sur les tables à manger ou dans les salles de bain, les matériaux amorphes ont dévoilé une partie de leur secret à plusieurs chercheurs du CNRS. Pour comprendre comment ces verres « mous » se déforment, les scientifiques ont analysé leur écoulement dans des micro-canaux de quelques microns de diamètre. Pour cela, ils ont tout d'abord élaboré une émulsion concentrée de gouttelettes d'huile de silicone en suspension dans un solvant d'eau et de glycérine pour l'observation au microscope. L'équipe a ainsi observé que, sous la contrainte du confinement, le comportement de l'émulsion est plus proche du liquide que du solide : sous la pression, les particules bougent en mouvement collectif et « coopératif ». Cette étude permettra à terme de mieux comprendre les phénomènes d'étalement ou de rupture des matériaux.

Antares, 900 yeux pour un neutrino
Les neutrinos sont des particules cosmiques qui ne se laissent pas observer facilement. Avec leur faible énergie et leur charge électrique nulle, ils interagissent peu avec la matière. Alors que la plupart des autres particules qui bombardent la Terre tous les jours sont arrêtées par l'atmosphère, l'eau ou le sol, la trajectoire rectiligne du neutrino est imperturbable. C'est justement pour faire le tri entre toutes ces particules que des chercheurs (CNRS, CEA, IFREMER) se sont unis pour installer Antares, un télescope à neutrinos, au large de Toulon, à 2 500 m de profondeur. A cet endroit, les 900 capteurs ne sont nullement perturbés par la lumière, et l'épaisseur d'eau élimine la plupart des particules. Mais les scientifiques comptent surtout sur le pouvoir filtrant de la Terre. En effet, en pénétrant dans la croute terrestre, il arrive (très rarement) qu'un neutrino interagisse avec un atome, donnant naissance à un muon qui file sur la même trajectoire que le neutrino. En pénétrant dans l'eau, la trace lumineuse du muon est détectée par les yeux d'Antares, orientés de fait vers le sol. Ce télescope unique en son genre aidera à mieux connaître les phénomènes les plus violents de l'univers, dont sont issus les neutrinos.

L'étrange ballet des taches de Jupiter
Jupiter, la plus grosse planète du système solaire, ne démérite pas son symbole astronomique, la foudre. Déjà observée il y a 150 ans, une tempête anticyclonique balaye toujours l'atmosphère de cette planète gazeuse, laissant apparaître aux yeux des astronomes une tache mouvante de 24 000 km de large. En 2000 puis en 2008, deux nouvelles taches (respectivement Red spot junior et Baby red spot) ont été observées sur la même latitude que la tache principale. Or, le télescope spatial Hubble vient de fournir aux astrophysiciens des images étonnantes qui montrent comment Baby red spot a fusionné avec la tache principale avant de ressortir quelques semaines après, complètement décoloré. Si quelques théories climatiques ou hydrodynamiques peuvent expliquer ce phénomène d'ouragan, personne ne peut en revanche expliquer ces changements de couleur, même si certains évoquent l'existence de matériaux phosphatés remontés des couches plus profondes et qui réagiraient en changeant de teinte. Quoi qu'il en soit, ces observations apportent de nouveaux éléments sur le changement climatique périodique qui semble régner sur cette planète et dont sont issus ces taches.


Sciences de la vie

Les fourmis, reines de l'adaptation
L'adaptation à l'environnement est une clé de la sélection naturelle. Un tel processus vient d'être découvert chez une fourmi australienne par des chercheurs parisiens (CNRS/Université Pierre et Marie Curie/ENS). Ils ont établi un modèle mathématique montrant qu'une telle colonie devait être capable de changer de stratégie de dispersion en fonction de son environnement. Or, l'observation in situ montre que, suivant le milieu de départ, les reines ne présentent effectivement pas la même taille. En comparant les réserves métaboliques de reines en vol nuptial entre deux groupes de colonies, les scientifiques ont constaté une différence. En milieu tropical, les colonies produisent de nombreuses reines, mais de faible qualité. Au contraire, dans les forêts tempérées, où l'hiver rend incertaine la survie, les reines sont moins nombreuses mais plus lourdes, disposant de plus de réserves. Mais quand la dispersion est un échec, des ouvrières prennent alors le rôle de pondeuses. Non-ailées, elles se dispersent moins loin, mais sont moins coûteuses que les reines. L'observation valide donc le modèle mathématique, qui prévoyait un tel changement de stratégie en fonction des ressources et du milieu.

De l'origine du parfum de thé chez les roses
Tous les amoureux des jardins vous le diront : les roses sont les reines des fleurs. Issues du croisement au dix-neuvième siècle de rosiers chinois et européens, les rosiers modernes livrent à ceux qui respirent leurs fleurs un léger parfum de thé, ce qui leur a valu le nom d' « hybrides de thé ». Si on sait que cette fragrance (due à une molécule nommée DMT) provient des rosiers chinois, on ignorait jusqu'alors quelle était l'origine évolutive de ce parfum. C'est ce qu'ont cherché à déterminer des scientifiques de l’INRA et de l’ENS Lyon. Leur analyse à conduit à penser que la présence de DMT est due à l'action de deux gènes, OOMT1 et OOMT2. Si toutes les roses sauvages possèdent le gène OOMT2, seules les roses chinois possèdent OOMT1. Or, les chercheurs ont identifié une mutation sur le gène chinois, rendant plus performante la synthèse de DMT. Le croisement des roses européennes et chinoises a par conséquent conduit à combiner les deux gènes qui décuplent conjointement la synthèse de parfum de thé. Ce schéma en apparence simple ne manquera pas de mieux appréhender les difficultés à obtenir des variétés de rosiers à la fois productives et parfumées.

Communication sonore : une origine unique pour tous les vertébrés
Même si un proverbe vante le mutisme des carpes, les poissons ne sont pas tous dénués de parole. Le poisson-crapaud à nageoire unie (Porichthys notatus) est capable, au même titre que la quasi-majorité des vertébrés, d'émettre des sons par la bouche. Que ce soit pour défendre son territoire ou pour faire la cour à une femelle, ce poisson a la faculté de faire vibrer sa vessie natatoire, un organe de flottaison, grâce à des muscles rapides. Une nouvelle étude américaine vient de démontrer que, lors du développement de la larve de ce poisson, dès que les muscles se connectent à la vessie natatoire, une région spécifique du cerveau se met en place à son tour. Or, la position de cette région est très proche de celle qui innerve les organes vocaux chez d'autres classes de vertébrés. En partant de ce constat, les scientifiques suggèrent qu'un organe vocal primitif et son région cérébrale associée sont apparus chez les premiers vertébrés aquatiques, 400 millions d'années en arrière. Par la suite, chacun aurait inventé son propre système d'émission sonore : la vessie natatoire des poissons, le syrinx des oiseaux ou le larynx chez les mammifères.

Aucun commentaire: