jeudi 9 juillet 2009

Un verbe à molièriser

Cas intéressant que celui que je vais vous présenter. Il s'agit de Mme B., ma voisine. Un jour que nous conversions de sujets tout à fait sérieux, tels les cailloux de la cour ou la météo des deux derniers jours, nous en vînmes à parler du rosier grimpant de mon escalier. Pour relancer le débat et l’élever au dessus des pâquerettes et des coquelicots, je lui lance comme ça : « Ah là là ma p’tite dame, en plus il est envahi par les pucerons ». Et de me répondre : « Ah ben, il faut le flytoxer ! »

« Le flytoxer »... En entendant, je me suis retrouvé doublement ébahi. D'une part, même si c'était bien la première fois que j'entendais ce verbe, je savais très bien de quoi elle parlait. Car la première image qui m'est venue, est une image d'une planche de Gotlib où un Newton ou un professeur Burp noierait l’irrévérencieuse coccinelle dans un nuage de Fly-Tox. Je découvrais ainsi que ce n'était donc pas une invention du dessinateur mais bien un produit courant que je ne connaissais pas. Arrêtons-nous quelques instants sur l’explication étymologique de ce mot composé de deux noms anglais : « fly », la mouche et « tox », qui est le résultat d’une apocope sur « toxic ». Il s'agit d'une marque de produits insecticides, déposée en 1937 (CNRTL).

http://www.virtualmuseumofsprayer.com/

D'autre part, éditeur à mes heures perdues, j'étais en contemplation devant ce verbe mutant, issu d'un nom commun, même si il s'agit d'une marque. Il est clair que j’avais affaire là à un superbe spécimen de dérivation, d'un nom propre présentement, au même titre que « dreyfusard », « gaulliste » ou « stendhaliser » d'après Sarah Leroy.

Une vieille publicité d'antan utilise déjà ce verbe.

On pourra rencontrer ça et là le verbe déformé « phytoxer » qui n’est pas si naïf que ça car le préfixe phyto est bien la racine grec qui désigne tout rapport au végétal. On a donc une sorte de (dé)formation heureuse d’un mot-valise où se télescopent « phyto » et « toxique ».

Quelques jours après, j’ai également entendu le verbe « bé-ater » (je l’écris comme je peux !) que j’ai compris immédiatement car la phrase le permettait aussi : « Je n'ai pas encore bé-até ce livre. » Ce verbe est issu de l’acronyme BAT ou bon-à-tirer, la terreur des éditeurs print (supports imprimés). Ce BAT est l’épreuve papier conforme et définitive du futur ouvrage (affiche, jeu, etc) à imprimer.

A très vite avec d'autres surprises de la langue française !