mercredi 23 septembre 2009

Une fois n’est pas coutume, ce billet est parti pour épingler les restaurateurs de mon quartier.

En art culinaire, les mots et expressions sont importants et parfois amusants comme « faire revenir les oignons », « faire suer les poireaux », « chaufroiter ». On apprend également, en consultant des pages Internet sur le vocabulaire culinaire, des mots exotiques : « salpicon » (même si j’aime bien le breuvage de Gaëtan), « duxelle », « mirepoix », et l’étrange « chinois », dont la forme conique ressemble à s’y méprendre à celle du chapeau chinois pointu.

Si ce chapeau, précise le site libre chine-informations.com, sert encore aujourd’hui aux paysans pour se protéger de la pluie ou du soleil, ce chapeau a trouvé une tout autre utilisation en français. En effet, j’ai appris il n’y a pas longtemps que l’accent circonflexe, terme préféré par les académiciens, marque en fait la disparition (mise en silence en réalité, l’amuïssement) d’un « s » dans un mot suite à la modernisation de la langue : feste a donné fête, isle île, fenestre fenêtre et pouest pouêt ^^.

Ma transition est toute trouvée. Si le chinois est le pont entre le français et l’art culinaire, les professionnels de la restauration semblent être bridés dans leur orthographe et moi ça me fait rire jaune, j’en avais déjà parlé ici.

Examinons aujourd’hui le cas de cette pâtisserie.

[Photo]

Je reste toujours coi devant leur vitrine « Pâtisserie – Toute au beurre » qui me laisse pantois. Car plusieurs corrections peuvent être apportées mais qui déforment la portée de cet affichage.

« Toute » est au féminin, est donc désigne surement les pâtisseries. Si c’est le cas, on devrait alors écrire « Toutes au beurre ». Mais alors « Pâtisserie » désignerait le produit, et non la boutique, et devrait se mettre au pluriel.

Je pense surtout qu’il existe une confusion initiale à cause de la liaison qui fait donc prononcer « toute au ». Car véritablement, le plus simple reste évidemment à supprimer le « e » de « Toute », qui devient « Tout au beurre ».

Quand ils changeront leur affichage, j’irai peut-être acheter une pâtisserie au beurre. D’ici là, je ne digère pas.

jeudi 9 juillet 2009

Un verbe à molièriser

Cas intéressant que celui que je vais vous présenter. Il s'agit de Mme B., ma voisine. Un jour que nous conversions de sujets tout à fait sérieux, tels les cailloux de la cour ou la météo des deux derniers jours, nous en vînmes à parler du rosier grimpant de mon escalier. Pour relancer le débat et l’élever au dessus des pâquerettes et des coquelicots, je lui lance comme ça : « Ah là là ma p’tite dame, en plus il est envahi par les pucerons ». Et de me répondre : « Ah ben, il faut le flytoxer ! »

« Le flytoxer »... En entendant, je me suis retrouvé doublement ébahi. D'une part, même si c'était bien la première fois que j'entendais ce verbe, je savais très bien de quoi elle parlait. Car la première image qui m'est venue, est une image d'une planche de Gotlib où un Newton ou un professeur Burp noierait l’irrévérencieuse coccinelle dans un nuage de Fly-Tox. Je découvrais ainsi que ce n'était donc pas une invention du dessinateur mais bien un produit courant que je ne connaissais pas. Arrêtons-nous quelques instants sur l’explication étymologique de ce mot composé de deux noms anglais : « fly », la mouche et « tox », qui est le résultat d’une apocope sur « toxic ». Il s'agit d'une marque de produits insecticides, déposée en 1937 (CNRTL).

http://www.virtualmuseumofsprayer.com/

D'autre part, éditeur à mes heures perdues, j'étais en contemplation devant ce verbe mutant, issu d'un nom commun, même si il s'agit d'une marque. Il est clair que j’avais affaire là à un superbe spécimen de dérivation, d'un nom propre présentement, au même titre que « dreyfusard », « gaulliste » ou « stendhaliser » d'après Sarah Leroy.

Une vieille publicité d'antan utilise déjà ce verbe.

On pourra rencontrer ça et là le verbe déformé « phytoxer » qui n’est pas si naïf que ça car le préfixe phyto est bien la racine grec qui désigne tout rapport au végétal. On a donc une sorte de (dé)formation heureuse d’un mot-valise où se télescopent « phyto » et « toxique ».

Quelques jours après, j’ai également entendu le verbe « bé-ater » (je l’écris comme je peux !) que j’ai compris immédiatement car la phrase le permettait aussi : « Je n'ai pas encore bé-até ce livre. » Ce verbe est issu de l’acronyme BAT ou bon-à-tirer, la terreur des éditeurs print (supports imprimés). Ce BAT est l’épreuve papier conforme et définitive du futur ouvrage (affiche, jeu, etc) à imprimer.

A très vite avec d'autres surprises de la langue française !

jeudi 4 juin 2009

Bon app’

Voilà ce qu'on peut déguster dans un fast-food près de chez moi :
- salades ;
- tex Mexs ;
- burgers ;
- sandwichs ;
- boissons.

Ce panneau étonne mon œil d'éditeur (ou du moins qui tente de l'être). Car si les noms français « salades » et « boissons » ne passeront pas à la casserole cette fois-ci, ce n'est pas le cas des mots étrangers qui se glissent dans ce menu alléchant (il est 19 h).

« Tex Mexs » est le plus gratiné des trois. Déjà blessé de l'amputation de son trait d'union et affublé d’une deuxième majuscule qu’il ne mérite pas, l'adjectif « tex-mex » désigne le mode de nutrition mexicaine adopté par les Texans. Ce mot est issu de la double apocope (réduction d'un mot) sur ces deux termes qui le composent. Par contre, j'observe pour la première fois le passage de cet adjectif vers le coté obscure de la farce, par le phénomène de conversion impropre, telle que l'ont subit les blondes ou les poubelles (on en reparle plus bas) sans qu'on sache toujours le pourquoi du comment (tiens, encore un). Ces mots ont changé de catégorie grammaticale sans pour autant changer de forme. Dans ce restau (apocope...), on peut se rassasier la panse avec des « tex-mexs », adjectif qui devient par ce truchement un nom. Mais ce qui me frappe le plus, c'est le « s » à la fin, car une règle de la grammaire française précise que les mots en « -x » ne prennent pas de « s » au pluriel : des prix, des noix, des volvox. Donc, « tex-mex » en tant que met, d'accord, la langue évolue de manière imprévisible, mais avec un « s », non.

« Burgers », lui est issu de l'inverse de l'apocope, l'aphérèse, où c'est le début du mot qui est amputé : un (auto)bus, un (amé)ricain, des (san)tiags, un (we)blog, et notre (ham)burger. En Allemagne, d'après Wikipédia, il est courant qu'un plat local adopte le nom de la ville dont il est issu, et le hamburger, de Hambourg, ne déroge pas à la règle, au même titre que le Berliner. Pauvre Kennedy, savait-il ce qu'il disait, en se comparant à un beignet ?

« Sandwich », comme la poubelle citée plus haut vient, tout le monde le sait, de noms propres. Pour la poubelle, il s'agit du préfet Poubelle, qui instaura une politique d'assainissement de la ville de Paris, notamment avec l’obligation d’utiliser des récipients pour la collecte des ordures à Paris. Le nom propre glissera irrésistiblement vers un nom commun par une autre forme de dérivation impropre, l'antonomase. C'est le cas aussi pour John Montagu, 4e comte de Sandwich qui donna son nom à cet aliment composé qui lui permettait de manger tout en exerçant son activité favorite : jouer (ou travailler selon d'autres sources). On mangera donc des sandwichs.

Conclusion pour s'entrainer sur les notions abordées dans ce billet
Espérons que ces Michel-Ange du fast-food seront plus accros au dico sinon je les boycotte ! Aller, je vais boire un kir ou un gewurtz.

Dernière minute
L’actualité nous rattrape, hélas, et la disparition du Rio-Paris a été l’occasion pour certains professionnels de sortir un mot de leur jargon, le « cunimb », qui raccourcit le cumulonimbus, ce nuage d’altitude qui aurait causé la perte de l’appareil et surtout de ses passagers.