mardi 28 octobre 2008

Pluton et les astrologues

Avec l'arrivée sur scène d'un trouble-fête dans la chorégraphie des planètes, le système solaire n'est plus ce qu'il était. En effet, à la suite de la découverte récente d'Éris en 2003, une dixième planète en orbite au-delà de Pluton, la plus excentrée par rapport au soleil, l'Union astronomique internationale (UAI) se devait de faire un peu de ménage dans ce ballet en proposant enfin une définition du mot... « planète ». Mais quelle que soit cette définition, l'heure était grave car il y aurait forcément du bouleversement dans le star-system. L'équation est simple en apparence et concerne principalement Pluton, dont les similitudes avec Éris posent problème. Si Éris est une planète, alors Pluton, en est une et le système solaire compte une planète de plus. Mais si Éris n'est pas une planète, alors Pluton n'en est pas une non-plus, et le système solaire compte une planète de moins.

C'est quoi alors une planète ?
Lors d'une assemblée de l'UAI le 24 août 2006, le terme « planète » est défini précisément : une planète est un corps céleste qui gravite autour du soleil, en équilibre hydrostatique (forme sphérique) et ayant le ménage autour de lui. Pluton, n'ayant pas fait place nette sur son orbite, ne correspond alors pas à la définition. Depuis ce jour, Pluton ne fait donc plus parti du cercle très fermé des planètes du système solaire tandis qu'Éris échoue également à son examen de passage.

Pluton est maintenant un objet anonyme connu dorénavant sous le nom de 134340. Une rétrogradation pour Pluton ? « Non, répond André Brahic, astrophysicien français ayant appuyé cette décision, c'est plutôt une promotion. » En effet, non content de se faire expulser du cercle, Pluton fonde avec Éris un nouveau club, celui des planètes naines, très fermé aussi, avec trois membres seulement : Pluton, Éris et Cérès, la plus petite des trois, découverte en 1801.

Désormais, Pluton n'est plus considérée comme une planète du Système Solaire

Pluton, dont l'existence avait été prédite (scientifiquement) par Percival Lowell, un astronome amateur américain, fut découverte en 1930. Il fallait alors lui trouver un nom. De toutes les suggestions, c'est celle de Venetia Burney, une fillette de onze ans d’Oxford, en Angleterre, qui fut retenue. Elle proposa Pluto, du nom latin du dieu des enfers (Hadès chez les Grecs).
Le nom fut retenu en hommage à Lowell, mécène de l’observatoire où fut réalisée la découverte et dont les initiales forment les deux premières lettres de Pluton.

Premières contradictions
Si cette découverte confirma une théorie astronomique, les astrologues, eut, intégrèrent prestement cette neuvième planète, tout affolés que leurs trigones n'aient pas prédit à travers leurs calculs savants l'existence de cette planète. Mais quelles pouvaient bien être les influences exercées par ce nouvel astre ? En hommage à Pluton, le dieu des morts, les astrologues ont eu le bon goût de lui attribuer des influences associées à la mort, à la maladie, aux pulsions dévastatrices, à la part d'ombre qui sommeille en chacun de nous. Quelle idée de déterminer les influences d'une planète d'après le nom qu'on lui donne ! Au Moyen Âge, la théorie des signatures de Paracelse proposait qu'une plante ait les vertus que sa forme laissait supposer. Ainsi, à l'époque, on prête à la vipérine, nommée en raison de sa forme serpentine, des vertus liées aux reptiles apodes. D'une part, elle les éloigne et d'autre part elle soigne leur morsure. Si Pluton eut été appelée Athéna, aurait-elle révélé la part de sous-vêtement en chacun de nous ?

Mais alors, si Pluton a une influence astrale, cela implique que toutes les prévisions effectuées avant 1930 sont nécessairement fausses ! Prenons Marcel, honorable grand-père né en 1929. Son horoscope affirme alors qu'il plutôt de nature calme et réfléchi. Un nouvel horoscope réalisé en 1931, donc incluant Pluton, affirme-t-il alors qu'en fait non, il est plutôt impulsif et colérique ?
De même, si Pluton a une influence, alors Éris, la planète naine, de masse plus importante que Pluton en a aussi. Pourtant Éris n'est pas intégré dans les prévisions... Donc de deux choses l'une : soit les astrologues intègrent Éris et toutes les prédictions faites avant 2003 sont fausses, soit ils n'intègrent pas Éris, ce qui serait absurde vu que Éris aurait plus d'influence que Pluton de par sa masse. Quid de Sedna, Quaoar ou Chiron ?

Ainsi, une multitude d'objets célestes tels que ceux cités devraient avoir de l'influence sur nous : Io, le satellite de Jupiter, plus gros que la Lune, Cérès, un astéroïde massif qui effectue une révolution autour du soleil en 4,6 ans quand Pluton, certes plus gros, fait sa révolution en 248 ans. Malgré cela, les astrologues n'ont pas dû prédire qu'il fallait les inclure dans leur jeu de loto des influences planétaires.

Pour affirmer cela, il nous faut partir d'ailleurs du postulat que les influences cosmiques sont liées à la masse de l'astre. Mais cela reste une hypothèse car d'influence, nul ne sait de quoi il s'agit. Forces gravitationnelles, ondes électromagnétiques, radiations... aucun astrologue ne pourrait expliquer ou démontrer leur existence.

Envoie « lingot » au 7441...
... Et tu connaîtras tes chances de devenir millionnaire ! Ce genre de services par SMS apparus avec les nouvelles générations de téléphone portable fleurit sur des chaînes qui n'ont de revenus qu'à travers ces publicités subversives. Or, si ce genre d'annonces nous intéresse ici, c'est que ces promesses irrationnelles sont finalement proches du discours des astrologues. Dans le cas du service SMS, on se doute bien qu'il y a dernière cela non pas des voyants, des devins ou des numérologues qui analysent le numéro de téléphone de l'incrédule qui paye (car c'est finalement la seule information disponible sur le client, c'est son numéro de téléphone), mais plutôt un simple programme informatique qui génère un chiffre au hasard (peut-être d'après ce numéro de téléphone) entre deux limites inférieures et supérieures sans doute un pourcentage de chance en l'occurrence.

On a donc ici affaire avec un programme aveugle qui génère une information aléatoire qui fait office de vérité vraie. Le danger est que cette vérité peut faire l'objet chez certaines personnes d'une absence totale de critique, particulièrement chez les plus jeunes d'entre nous. Certains services SMS proposent par exemple de connaître le prénom de notre futur petit(e) ami(e), d'autres encore de dévoiler le pourcentage d'affinité entre deux personnes si on envoie par SMS les deux prénoms. On voit ici que la cible est clairement les jeunes ou les adolescents en mal de repères, qui seraient prêts à prendre au sérieux ces informations pourtant biaisées mais auxquelles les plus sensibles peuvent s'identifier facilement, par manque de discernement, qui pourrait être facilement comblé par une bonne culture scientifique.

Je me rappelle avoir eu dans les mains un instrument passionnant – un simple bout de papier à vrai dire, appelé « grille de conversation », tirée me semble-t-il d'un journal communiste. Une première colonne présente des débuts de phrase très vagues comme (j'invente) « Il semble évident que » ou « Nous vivons dans une société où » ; une deuxième propose des milieux de phrase tels que « contrairement aux siècles précédents » ou « l'échec de la politique moderne conduit à penser que » et enfin une troisième colonne qui recense des fins de phrase comme « l'argent facile est devenu un modèle pour certains. » ou « communiquer est un besoin primordial pour une entreprise. ». Ainsi, vous le devinez, on peut construire une multitude de propositions en prenant à chaque fois un début, un milieu et une fin de phrase. Ainsi, cette grille permet de tenir un discours construit (le signifiant) mais dont le fond (le signifié) n'existe pas réellement puisque sa construction est versatile.

L’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits
Cette façon de construire un discours dépourvu de signifié, et son impact sur notre ressenti, a été étudiée par un psychologue, Bertram R. Forer (1949). Il soumit des étudiants à un test de personnalité, en leur demandant d’attribuer une note, à un texte banal, selon le degré de ressemblance avec l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. Ce texte commence ainsi :
Vous avez besoin d'être aimé et admiré, et pourtant vous êtes critique avec vous-même. Vous avez certes des points faibles dans votre personnalité, mais vous savez généralement les compenser. Vous avez un potentiel considérable que vous n'avez pas encore utilisé à votre avantage. À l'extérieur vous êtes discipliné et vous savez vous contrôler, mais à l'intérieur vous tendez à être préoccupé et pas très sûr de vous-même.
La note moyenne fut de 4,26 sur 5, c’est-à-dire que la majorité des étudiants jugèrent pertinent cette peinture de leur personnalité. Conclusion, tout le monde s’identifie à cette description, alors que celle-ci n’est absolument pas personnalité. Le psychologue Paul Meehl baptisa ce phénomène « effet Barnum », « en référence aux talents de manipulateur de l'homme de cirque Phineas Taylor Barnum » (Wikipédia).

Plus récemment, ce phénomène a été ré-étudié par Henri Broch, physicien et fondateur du laboratoire de zététique, à Nice. La zététique pourrait être définie comme étant l'étude rationnelle et doutive des phénomènes pseudo-scientifiques : ufologie, archéo-fiction, parasciences, surnaturel et paranormal, médecines alternatives et bien sûr astrologie. Broch indique, pour les petits curieux comme moi et vous, dans un des nombreux documents libres à disposition sur son site internet (merci !), que le terme vient du grec zêtêin (chercher), et désigne la « méthode dont on se sert pour pénétrer la raison des choses » (dictionnaire Littré).

Dans son laboratoire, Henri Broch tente à la fois de démontrer que ces disciplines sont fausses, sceptique comme il est, mais il s'applique aussi à prouver qu'elles sont justes, au travers du défi zététique qu'il a lancé aux tordeurs de petite cuillère et autres devins des cartes sur table. En quinze ans de défi ouvert, pas une personne n'a pas réussi les tests d'aptitude pour démontrer que son pouvoir est bien réel (« Vous avez un pouvoir... Prouvez-le ! »).

L'astrologie et l'effet Barnum sont donc deux des objets d'étude des zététiciens. Mais Broch préfère parler d' « effet puits ». Il s'en explique sur son site internet :
L'effet Puits peut se résumer ainsi : plus un discours est vague (profond pourrait-on dire,... profond dans le sens de creux, bien sûr), plus les personnes qui l'écoutent peuvent se reconnaître majoritairement dans ce discours.
Entre hasard, coïncidences et surtout banalité, les thèmes astraux ou les horoscopes sont toujours proches de notre réalité. Je viens de pêcher le premier horoscope trouvé sur le journal local :
Il y aurait beaucoup à dire sur un sujet qui vous préoccupe. Regardez-y à deux fois avant de prendre position. Vous avez raison de vouloir en parler publiquement mais vous savez aussi que toute vérité n'est pas toujours bonne à dire surtout en de telles circonstances.
Si je vous dis qu'il s'applique aux Béliers, combien de pigeons d'un autre signe s'y retrouveraient ? Au quotidien comme à chaque fin d'année, les astrologues nous garnissent la dinde avec leurs prévisions toujours aussi pertinentes sur le monde : des hauts et des bas en plus des crises, guerres et autres conflits, mais toujours de sérieuses avancées de la médecine. Au fait, s'ils sont si fort que ça les astrologues, pourquoi n'évitent-ils justement pas à l'humanité de connaître des épisodes meilleurs ? Pourquoi ne sont-ils pas riches et puissants ? Et surtout ces corbeaux devraient rechercher les réponses à des questions plus fondamentales : Lancelot était-il verseau ? Existe-t-il des mafiosi balance ?

* * *
Quant aux volontés souveraines
De celui qui fait tout, et rien qu’avec dessein,
Qui les sait que lui seul ? comment lire en son sein ?
Aurait-il imprimé sur le front des Étoiles
Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ?
(Jean de la Fontaine – Fables, Livre 2, Fable 13)
Astrologues, Montesquieu aussi dirait de vous que vous êtes bien orgueilleux pour croire que les étoiles et les planètes, nées bien avant vous et qui disparaîtront bien après votre mort, peuvent vous prédire votre avenir par leur ballet immuable et détaché de vos croyances lucratives. Elles n'ont en fait que du mépris pour vous, qui ne contribuez qu'à recouvrir de votre poussière pseudo-scientifique les lumières de la vérité, bien trop aveuglantes pour vous. J'espère juste qu'un jour vous avez prédit la fin de l'obscurantisme que vous contribuez à déverser sur les masses engluées dans vos prédictions fumeuses, vos trigones intéressés, empêchant le peuple de la science se rapprocher.

Références :
Bertram R. Forer, « The fallacy of personal validation: A classroom demonstration of gullibility » in Journal of Abnormal and Social Psychology, 44, 118-123. (1949)
Le site internet du laboratoire de zététique : http://www.unice.fr/zetetique/index.html
Piqure contre les antisceptiques : http://charlatans.info/index.php
Réflexions sur l'astrologie de deux astronomes de l'Observatoire de Paris : http://www.obspm.fr/savoirs/contrib/astrologie.fr.shtml

Illustrations : Le système solaire : vue d'artiste. La trajectoire de Pluton est le cercle le plus à l'extérieur - DR | Pub pour un service de voyance par SMS - DR | François Chauveau : gravure pour L’Astrologue qui se laisse tomber dans un Puits, Livre II, fable 13 - © Musée Jean de la Fontaine

mercredi 1 octobre 2008

Pour qui Dieu votera-t-il aux prochaines élections américaines ?


Dieu a vraiment de quoi se faire des cheveux blancs. D'ici novembre, il doit choisir un capitaine ad hoc pour gouverner le plus grand puissant état du monde. D'un coté, un candidat démocrate, Barack Hussein Obama II, qui veux reloger les pauvres qui le sont encore plus depuis qu'il enrichissent les riches spéculateurs, offrir des barques aux pauvres noyés du sud du pays, et évacuer les soldats du pays de Saddam en terminant une guerre qui n'a d'intérêt que pour les riches. De l'autre, un candidat républicain, John Sidney McCain III, que nous appellerons "Mach 3" parce que nous le trouvons un peu rasoir, qui veut faire croire que les troupes américaines de libération du monde sont proches de la victoire, tellement proche qu'il veut envoyer des renforts, et qui a choisit comme colistière Sarah Palin, gouverneur de l'Alaska, convaincue que les hommes ont pu chasser les dinosaures, il y a 6000 ans...

Où l'on entend reparler du créationnisme

Cette croyance est très présente aux États-Unis, sous couvert de la religion. Sous le nom de créationnisme, dessein intelligent (intelligent design) ou encore programmisme, cette théorie propose une lecture littérale de la Bible. Ainsi, seul un être supérieur est capable d'être à l'origine de la création de la vie et de sa diversité. La terre et les cieux ont été créés en six jours par un dieu (le Dieu) il y a 6000 ans. Tout au long, Dieu a créé les plantes, les animaux et les hommes, qui du coup ont surement eu le plaisir d'écouter du Paradise Lost autour d'un bon steak de brontosaure. Le septième jour, Dieu a créé les armes. C'est le jour préféré de Sarah Palin : elle prie tous les dimanches pour la NRA.

Ainsi, les créationnistes sont en opposition totale avec le darwinisme en affirmant que la théorie de la sélection naturelle ne suffit pas à rendre compte de l'age et de la complexité de la vie. Pour prouver cela, les créationnistes plient, détournent ou travestissent la science à leur profit. En ce qui concerne l'age de la Terre par exemple, cette théorie s'attaque aux grands principes géologiques et affirme notamment que les fossiles sont des vestiges d'animaux disparus suite au déluge, ce même déluge qui aurait engloutit les dinosaures... De même, les couches géologiques ne sont pas les témoins de la stratification des sédiments sur des millions d'années.

Quant à la théorie de la sélection naturelle, les créationnistes réfutent totalement les arguments et preuves accumulés depuis 150 ans, comme par exemple la brulante question des mutations qui selon eux ne peuvent qu'être délétères et en aucun cas être à l'origine de la création d'une espèce. Pourtant, les scientifiques ont déjà observé des espèces évoluer.

Mais, pour mieux s'adapter, des courants modérés apparaissent aux cotés des courants fondamentalistes. Ainsi, certains pensent que s'il existe bien un processus de changement des espèces, alors celui-ci tend vers un seul but (ou dessein) : l'apparition de l'homme, en tant qu'être parfait au sommet de la pyramide des espèces. D'autres admettent que la Terre est effectivement vieille, mais que Dieu y a crée la vie pour la laisser se débrouiller comme une grande par la suite... Malgré ces pensés en apparence progressistes, les créationnistes ne désarment pas. Début 2007, des écoles françaises ont reçu un joli cadeau de la part d'Harun Yahya, de religion islamique : un Atlas de la Création, qui démontre en 700 pages que les scientifiques nous mentent car ils ne croivent pas en Dieu.

En bon citoyen, le Père du Christ devra donner de la voix. Mais à qui ? Au candidat qui veut laver l'Amérique et Maria en son nom ? Ou à celui qui, une bible dans sa poche révolver (1) veut continuer la croisade en son nom ? En tout cas, j'espère jusque qu'Il saura aider les américains à faire le bon choix.

(1) Emprunté à No One Is innocent (US Festival de l'album Révolution.com)
Illustration : Jésus chevauchant un dinosaure. DR