mardi 30 septembre 2008

Articles non-publiés #2


Articles d'actualités des sciences non-publiés, destinés à un magazine de culture générale, numéro de novembre 2008. Chaque article était accompagné d'une illustration légendée.



Environnement

Les parasites prennent de l'importance
D'après une nouvelle étude, le rôle des parasites serait largement sous-estimé en terme de biomasse. La biomasse est une notion écologique qui tend à exprimer la masse totale des êtres vivants dans un milieu donné. Classiquement, les végétaux représentent l'écrasante majorité de cette biomasse, parfois jusqu'à plus de 95 %. On pourrait alors croire que la maigre part restante est attribuée aux grands animaux de ce milieu, mais il n'en est rien. En effet, une étude américaine publiée dans la revue Nature démontre qu'après analyse de la biodiversité dans trois estuaires au Mexique et en Californie, la majorité de la biomasse animale est principalement représentée par les parasites : 3 % de la biomasse totale. Un petit chiffre certes, mais les chercheurs estiment qu'il dépasse celui des grands prédateurs, oiseaux, poissons et autres crevettes, en particulier pour la classe des parasites trématodes comme la douve. Les parasites ayant un rôle central dans les flux d'énergie à l'intérieur des écosystèmes, ce résultat apportera sans doute de nouvelles perspectives dans l'étude des milieux naturels.

Un laser pour détecter la pollution atmosphérique
Le professeur Chin et son équipe (Centre d'optique, Université de Laval, Canada) viennent de mettre au point un laser femtoseconde très grande puissance qui pourrait détecter et analyser des gaz atmosphériques jusqu'à une distance de deux kilomètres. Cet appareil émet des impulsions laser très brèves (10-15 seconde) formant dans l'air des filaments qui ionisent et cassent les molécules de gaz. Excitées, elles émettent alors des rayonnements fluorescents propres à chaque composé qui sont analysés afin de révéler leur identité. Les premiers essais en laboratoire ont tenu toutes leurs promesses en détectant notamment des molécules de monoxyde de carbone, de dioxyde de carbone ou de butane. Protégée par un brevet d'invention américain, cette méthode est prometteuse car là où d'autres requièrent l'utilisation de plusieurs appareils, celle du professeur Chin n'en nécessite qu'un seul. La prochaine étape, sous couvert de financements, sera d'élaborer un laser femtoseconde transportable en extérieur, afin d'intervenir sur des zones contaminées, toxiques ou polluées.

Des éléphants de mer contribuent à l'étude des courants océaniques
En Antarctique, chaque hiver, lorsque la banquise se reforme, seule l'eau est prise dans la glace, le sel restant dans l'eau de mer. Cet enrichissement en sel provoque alors un alourdissement de cette l'eau qui se refroidit et plonge profondément, formant ainsi le puissant courant circum-Antarctique qui ceinture le continent blanc. Techniquement, les données concernant cette circulation océanique sont difficiles à obtenir. Pour les récolter, des scientifiques (CNRS/MNHN) ont eu l'idée de se servir d'une population d'autochtones : les éléphants de mer. Ainsi, en 2004 et 2005, 58 de ces animaux ont été équipés de balises Argos miniatures, permettant de fournir en temps réel le long de leurs déplacements 16 500 profils verticaux de température et de salinité, dont 4 520 pendant l'automne et l'hiver austral. En effet, un éléphant de mer est capable de plonger plus de 60 fois par jour, à une profondeur moyenne de 600 m. Ces très riches informations cartographiées complètent aujourd'hui les modèles océan-climat et permettent d'évaluer plus précisément les relations entre la circulation thermohaline (relative au sel) et le réchauffement climatique.


Médecine

Un virus qui infecte les virus
A la frontière entre le monde vivant et le monde inerte, les virus continuent d'étonner les chercheurs. D'ordinaire, ces entités ont besoin d'une cellule hôte pour se multiplier : elles y introduisent leur matériel génétique et utilisent la machinerie de la cellule pour fabriquer d'autres virus semblables. En observant un nouveau venu récemment découvert, Mimivirus, le professeur Raoult et son équipe (CNRS/Université Aix-Marseille II) remarquent des fragments associés qu'ils prennent tout d'abord pour des morceaux de génome satellite. Mais le professeur Raoult démontre rapidement qu'il s'agit en réalité de virus, qu'il s'empresse de baptiser avec humour « Spoutnik » en raison de cette bévue. Il s'agit là de la première découverte d'un virophage, un virus qui en infecte un autre. A l'instar des autres virus, son infection se fait au détriment de son hôte qui subit une diminution de son taux de multiplication ainsi que des défauts de fabrication. Par ailleurs, une part des gènes de cette nouvelle entité biologique proviennent d'autres virus dont Mimivirus, ce qui prouve que les virophages jouent un rôle important et jusqu'alors méconnu dans les flux de gènes entre virus.

Vers une greffe de neurones
Les derniers travaux d'une équipe belge ouvrent de nouvelles perspectives dans les techniques de greffe cérébrale. Menés par Pierre Vanderhaeghen, ces chercheurs de la faculté de médecine de l'Université libre de Bruxelles sont partis d'une découverte de l'un d'entre eux, qui a mis au point une méthode « étonnamment simple et efficace » pour obtenir in vitro des neurones fonctionnels à partir de cellules souches*. A l'aide d'une chercheuse CNRS de l'Université de Poitier, ils ont ensuite greffé ces neurones dans un cerveau de souris. Les neurones ainsi transplantés sont parfaitement capables de s'y intégrer et de recréer des circuits spécifiques du cortex en se connectant au cerveau. Ces recherches ne tarderont pas à trouver écho dans de nombreux domaines puisqu'elles fournissent une source illimitée de neurones corticaux. Recherches pharmaceutiques, traitement de maladies dégénératives telle la maladie d'Alzheimer ou intervention après un accident vasculaire cérébral, cette avancée constitue également une alternative à l'expérimentation animale ou humaine.
*Cellule souche : cellule indifférenciée qui peut devenir, après signal génétique, n'importe quel type de cellule différenciée et spécialisée : cellule de foie, de cœur, de peau, etc. Les cellules souches sont issues d'embryons, de fœtus ou de tissus adulte.

Salmonelles, une lutte intestine
C'est une guerre sans merci qui se déroule dans notre intestin. D'un côté, les puissantes bactéries commensales qui occupent et défendent ces terres depuis toujours. De l'autre, les salmonelles qui n'ont qu'un objectif : conquérir ce territoire. Le rapport de force est totalement déséquilibré et pourtant, les nombreuses personnes infectées tous les jours le confirmeront, les salmonelles arrivent parfois à leur fin. Comment ? En adoptant une stratégie de sacrifice d'une partie d'entre elles. Un commando kamikaze spontané est le premier à ouvrir les hostilités en attaquant la muqueuse intestinale. En réaction, l'inflammation provoque une diarrhée qui élimine tous les belligérants, bactéries commensales et éclaireurs salmonelles. Une fois le champ libre, le gros des troupes de salmonelles peut alors se multiplier. D'un point de vue évolutif, les chercheurs ont par ailleurs vérifié mathématiquement que seul un bénéfice supérieur aux pertes des salmonelles amène à ce type de comportement coopératif et altruiste. A cheval entre médecine et évolution, cette étude a été menée par le département de Biologie de l'Institut fédéral suisse de technologie de Zürich.


Matière et espace

Une masse comme mille fois notre galaxie
Le plus gros amas de galaxies vient d'être découvert fortuitement par le télescope spatial européen XMM-Newton. Alors que cet instrument s'affairait à cataloguer dans le domaine des rayons X les objets les plus brillants de la voute céleste, un objet très lumineux se fait remarquer. Afin de confirmer cette observation, les astronomes demandent à leur collègues du télescope spatial terrestre LBT (Arizona, États-Unis) de pointer sur l'objet ses deux miroirs de 8,4 m de diamètre et de le photographier en lumière visible. Désormais, le catalogue compte un nouveau venu : 2XMM J083026+524133. Cet amas de galaxie a de quoi surprendre. Distant de 7,7 milliards d'années-lumières, sa température est de 100 millions de degrés Celsius pour une masse qui équivaut à mille fois celle de notre galaxie, la Voie lactée. Ce record pour un amas aussi lointain constitue une preuve supplémentaire dans l'hypothèse de l'énergie noire, une source d'énergie sombre qui échappe encore aux observations directes. Mais comme cette énergie entrave la croissance de groupes de galaxie, cet amas n'a donc pu se former que très tôt. Selon les chercheurs, seul l'énergie sombre peut expliquer son existence.

Une balance à atome
Quelle est la plus petite masse que l'on puisse peser ? Un grain de poussière ? Une bactérie ? Des chercheurs de l'Université de Berkeley (Californie) ont réalisé un appareil capable de peser... un atome. Cette balance à atome est basée sur les oscillations imprimées à un nanotube de carbone préalablement chargé négativement. Ces vibrations font entrer le nanotube en résonance. Lorsqu'un atome se pose sur le tube, la fréquence d'oscillation change instantanément, et la masse de l'atome est connue en seulement une seconde. Ce Nems (nanoelectromechanical system) a ainsi évalué la masse d'un atome d'or : 3,25 x 10-25 kg. Outre la rapidité d'exécution, le dispositif offre de nombreux autres avantages de taille. Là où un spectromètre de masse (appareil qui identifie une molécule par sa masse) nécessite une pièce entière, le Nems peut tenir dans une puce électronique. De plus, pour les autres techniques, la ionisation de l'échantillon est un prérequis, alors que ce dispositif n'exige pas cette fragmentation préalable. Cette méthode est donc adaptée à la mesure de la masse de macro-molécules telles les protéines ou l'ADN.


Sciences de la vie

Une baisse de température favorable à la vie
Au début de l'Ordovicien, il y a 480 millions d'années (MA), les océans se sont qu'une vaste soupe chaude dans laquelle nage une grande diversité d'être vivants. Jusqu'alors, les scientifiques pensaient qu'un « super effet de serre » avait fait grimper la température de l'eau (plus de 70 °C), en se basant sur l'analyse des coquilles de mollusques fossiles. Ces résultats reposent sur les rapports des isotopes* de l'oxygène qui sont de véritables thermomètres atomiques puisque ce rapport varie en fonction de la température. Une nouvelle étude semble pourtant tempérer ce constat. En utilisant la même méthode, mais sur des éléments de squelettes de conodontes, des anguilles fossiles, des chercheurs français du CNRS et australiens ont estimé qu'à - 480 MA, les eaux à seulement 45 °C se sont refroidies progressivement, perdant jusqu'à 15 °C en 40 MA. Or, au cours de cette période, la diversité explose, allant jusqu'à quadrupler le nombre de familles ou de genres. La preuve en est, à cette époque, les premiers coraux construisent leurs récifs et les fonds marins sont colonisés. La température des eaux est alors comparable à celle des eaux tropicales actuelles.
*Isotope : chaque atome se caractérise par un nombre de protons et un nombre de neutrons. Deux atomes sont dit isotopes lorsqu'il ont le même nombre de protons mais un nombre différent de neutrons. Un des isotopes du carbone est le carbone 14 qui permet de dater un échantillon.

Le premier séquençage d'un parasite de plantes
Après certains virus, bactéries, insectes ou vertébrés, dont l'Homme, c'est au tour d'un petit ver nématode parasite, Meloidogyne incognita, de dévoiler ses gènes. Ce travail de séquençage, la détermination complète de la séquence ADN (ou ARN) du génome d'un organisme, réalisé par un consortium de 27 laboratoires français et internationaux, piloté par l'unité INRA de Sophia-Antipolis, à Nice, apporte de précieuses informations. Premièrement, le génome de ce ver semble être issu de la juxtaposition d'au moins deux génomes, ce qui expliquerait sa grande capacité d'adaptation. On compte en effet pas moins de 25 000 espèces de nématodes, réparties dans le monde entier. Deuxièmement, l'animal possède un nombre particulièrement important d'enzymes, dont certaines d'origine bactérienne, permettant de parasiter une grande quantité de plantes. Le séquençage complet de ce ver parasite ravageur de culture permet à terme des avancées en matière de recherche fondamentale ou appliquée, comme la lutte ciblée qui remplacera à cours terme la lutte chimique aveugle.

lundi 29 septembre 2008

Articles non-publiés #1


Articles d'actualités des sciences non-publiés, destinés à un magazine de culture générale, numéro de septembre 2008. Chaque article était accompagné d'une illustration légendée.


Environnement

Les plantes grimpent pour chercher la fraicheur

Avec le réchauffement climatique, les plantes prennent de l'altitude pour trouver un peu de fraicheur. C'est cet étonnant constat qui est publié par une équipe de chercheurs du CNRS, de l'INRA et d'AgroParisTech, dans la revue Science. En se basant sur les inventaires floristiques français établis entre 1905 et 2005, les botanistes ont analysé l'évolution des aires de répartition de 171 espèces végétales (herbacées et ligneuses). Au vu de l'augmentation de 0,6 °C de la température moyenne durant cette période, l'étude montre clairement que les plantes se sont hissées en moyenne de 29 m par décade, cherchant ainsi à se maintenir dans une zone à la température favorable au développement et à la reproduction. De plus, les chercheurs ont pu mettre en lumière un phénomène particulier : le déplacement du « centre de gravité » de chaque aire de répartition (zone de densité maximale). Habituellement, dans ce genre d'étude floristique, seules les frontières de l'aire sont étudiées mais les résultats de cette étude montrent que ce ne sont pas seulement les marges qui fluctuent, mais bien l'ensemble de la population végétale.

Un tiers des espèces de corail menacées d'extinction
Tel est le constat alarmant de la première étude mondiale détaillée sur le statut de conservation des coraux constructeurs de récif. Les 39 scientifiques, parmi les meilleurs experts en coraux, ont uni leurs compétences pour appliquer sur ces animaux les critères de l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Ainsi, sur 704 espèces à statut de conservation, 231 ont un risque élevé d'extinction. Les scientifiques pointent du doigt le réchauffement climatique d'une part, qui modifie la température ou l'acidité de l'eau, et d'autre part les activités humaines : pêche intensive, pollution, etc. Signe de cette hécatombe, le blanchiment des coraux est le résultat de ces perturbations, qui provoquent la fuite des zooxanthelles, ces algues symbiotiques qui leur donnent des couleurs si vives. D'après les scientifiques, les récifs coralliens, qui ont mis des millions d'années à se construire, abritent plus de 25 % des espèces marines, ce qui en fait l'écosystème marin le plus biologiquement diversifié. Lorsque les coraux s'éteignent, les animaux qui en dépendent pour leur nourriture ou leur habitat sont gravement menacés.
Symbiose : type de relation écologique durable et bénéfique entre deux être vivants où chacun fournit à l'autre un bien nécessaire à sa survie (énergie, nutriments, abri). Le lichen est issu d'une symbiose entre une algue verte et un champignon.

Les incendies de forêt seraient-ils bons pour le climat ?
Aux États-Unis, les incendies de forêt causés par la foudre détruisent couramment les arbustes et les buissons. Mais depuis 1910, ils sont systématiquement combattus par les pompiers, ce qui a permis à ces étages de végétation de se développer. En toute logique, la croissance des forêts devrait diminuer le taux de CO2 atmosphérique car les végétaux prélèvent ce gaz pour l'incorporer dans leurs tissus. Pourtant, une étude menée par deux scientifiques américains tendrait à prouver le contraire. En comparant les inventaires forestiers californiens entre les années trente et les années quatre-vingt dix, les chercheurs ont effectivement observé que si la densité d'arbre a augmenté de 4 %, l'absorption de carbone a diminué en parallèle de 34 %. Pour expliquer ce paradoxe, les chercheurs concluent que les petits arbres et arbustes sauvés depuis par les pompiers « font de l'ombre » aux plus grands car ils sont entrés en compétition avec eux. Affaiblis, les grands arbres voient leur santé décliner, ce qui affecte leur capacité à stocker le carbone. Ce résultat contre-intuitif ne manquera de changer la donne en matière de politique de lutte contre les incendies.


Médecine

Progeria : un espoir de traitement
Cinq ans seulement après la découverte du gène responsable de la progeria, des chercheurs espagnols (Université d'Oviedo) et français (Université de la Méditerranée/INSERM) ont mis au point un traitement qui ralentit significativement ses effets. Cette maladie génétique rare est due à l'accumulation cellulaire d'une protéine tronquée, la progérine, à laquelle vient se fixer un acide gras, induisant une toxicité intra-cellulaire. Pour réduire cette toxicité, les chercheurs ont choisi comme voie de traitement le blocage de la synthèse de l'acide gras incriminé. Après plusieurs essais, une combinaison particulièrement efficace de deux substances pharmacologiques a été retenue. Chez les souris malades, la durée de vie est ainsi passée de 101 à 179 jours en moyenne. Un protocole clinique de traitement sur des enfants atteints est sur le point de démarrer dans le but de ralentir la progression de la maladie. La progeria, qui touche une centaine d'enfants dans le monde, provoque un vieillissement prématuré et accéléré. Toutes les recherches citées ont pu être menées grâce au soutien financier de l'AFM, par l'intermédiaire des dons du Téléthon.

Déjouer les tentatives d'évasion des cellules tumorales
Dans le corps humain, il arrive parfois qu'une cellule imparfaite ne soit pas détruite et continue à se diviser anarchiquement, pour former une tumeur. Ces cellules sont tellement déréglées qu'elles peuvent quitter cet amas chaotique pour aller se fixer plus loin dans l'organisme : c'est la métastase. Dans le cancer du sein, la membrane qui entoure la glande mammaire est imperméable mais les cellules tumorales arrivent tout de même à migrer. Par quels moyens ? C'est ce mécanisme de dissémination que vient de découvrir l'équipe de Phillipe Chavrier (CNRS/Institut Curie). Pour réussir son évasion, la cellule se fixe tout d'abord sur la membrane, grâce à des excroissances (invapodia). Puis trois protéines interviennent pour acheminer au point de fixation un véritable matériel de forage enzymatique, des protéases. Une fois ces protéases sur le front, une quatrième protéine agit pour les faire sortir afin qu'elles commencent leur travail de perçage de la membrane. La cellule n'a plus qu'à s'échapper. Cette découverte incitera les chercheurs à agir au cœur de ce dispositif d'évasion, en ciblant notamment leur traitement sur les quatre protéines en question.

Une carte des connexions du cerveau humain
Le cortex cérébral humain est un vaste et complexe réseau qui forme la couche extérieure du cerveau, d'où dix milliards de neurones interconnectés (substance grise) projettent vers l'intérieur leur prolongement nerveux, les axones. Jusqu'à présent, les scientifiques ne pouvaient techniquement pas se représenter la circulation des influx nerveux dans le cortex, lieu central de traitement de l'information. Mais des chercheurs américains et suisses ont récemment réalisé l'exploit d'établir la première carte des connexions du cerveau en haute définition. Pour cela, ils ont quadrillé le cortex en 998 régions de 1,5 cm², observées à l'aide d'une nouvelle technique d'imagerie dérivée de l'IRM, la DSI. Là où l'IRM décrit une région entière du cerveau dans une situation cognitive donnée, la DSI permet de détecter les mouvements de diffusion de molécules le long des axones, établissant ainsi une carte détaillée des connexions les plus empruntées et des nœuds les plus actifs. La technique ayant fait ces preuves, c'est tout un pan de l'étude des pathologies mentales qui devrait à terme en bénéficier : schizophrénie, épilepsie ou encore maladie d'Alzheimer.


Matière et espace

Matériaux amorphes : des solides liquides
Quel est le point commun entre la mayonnaise, une mousse au chocolat et une crème de beauté ? La structure atomique de ces produits est désordonnée comme un liquide, mais curieusement figée comme un solide, dont les atomes sont ordonnés (cristallin). Très présents sur les tables à manger ou dans les salles de bain, les matériaux amorphes ont dévoilé une partie de leur secret à plusieurs chercheurs du CNRS. Pour comprendre comment ces verres « mous » se déforment, les scientifiques ont analysé leur écoulement dans des micro-canaux de quelques microns de diamètre. Pour cela, ils ont tout d'abord élaboré une émulsion concentrée de gouttelettes d'huile de silicone en suspension dans un solvant d'eau et de glycérine pour l'observation au microscope. L'équipe a ainsi observé que, sous la contrainte du confinement, le comportement de l'émulsion est plus proche du liquide que du solide : sous la pression, les particules bougent en mouvement collectif et « coopératif ». Cette étude permettra à terme de mieux comprendre les phénomènes d'étalement ou de rupture des matériaux.

Antares, 900 yeux pour un neutrino
Les neutrinos sont des particules cosmiques qui ne se laissent pas observer facilement. Avec leur faible énergie et leur charge électrique nulle, ils interagissent peu avec la matière. Alors que la plupart des autres particules qui bombardent la Terre tous les jours sont arrêtées par l'atmosphère, l'eau ou le sol, la trajectoire rectiligne du neutrino est imperturbable. C'est justement pour faire le tri entre toutes ces particules que des chercheurs (CNRS, CEA, IFREMER) se sont unis pour installer Antares, un télescope à neutrinos, au large de Toulon, à 2 500 m de profondeur. A cet endroit, les 900 capteurs ne sont nullement perturbés par la lumière, et l'épaisseur d'eau élimine la plupart des particules. Mais les scientifiques comptent surtout sur le pouvoir filtrant de la Terre. En effet, en pénétrant dans la croute terrestre, il arrive (très rarement) qu'un neutrino interagisse avec un atome, donnant naissance à un muon qui file sur la même trajectoire que le neutrino. En pénétrant dans l'eau, la trace lumineuse du muon est détectée par les yeux d'Antares, orientés de fait vers le sol. Ce télescope unique en son genre aidera à mieux connaître les phénomènes les plus violents de l'univers, dont sont issus les neutrinos.

L'étrange ballet des taches de Jupiter
Jupiter, la plus grosse planète du système solaire, ne démérite pas son symbole astronomique, la foudre. Déjà observée il y a 150 ans, une tempête anticyclonique balaye toujours l'atmosphère de cette planète gazeuse, laissant apparaître aux yeux des astronomes une tache mouvante de 24 000 km de large. En 2000 puis en 2008, deux nouvelles taches (respectivement Red spot junior et Baby red spot) ont été observées sur la même latitude que la tache principale. Or, le télescope spatial Hubble vient de fournir aux astrophysiciens des images étonnantes qui montrent comment Baby red spot a fusionné avec la tache principale avant de ressortir quelques semaines après, complètement décoloré. Si quelques théories climatiques ou hydrodynamiques peuvent expliquer ce phénomène d'ouragan, personne ne peut en revanche expliquer ces changements de couleur, même si certains évoquent l'existence de matériaux phosphatés remontés des couches plus profondes et qui réagiraient en changeant de teinte. Quoi qu'il en soit, ces observations apportent de nouveaux éléments sur le changement climatique périodique qui semble régner sur cette planète et dont sont issus ces taches.


Sciences de la vie

Les fourmis, reines de l'adaptation
L'adaptation à l'environnement est une clé de la sélection naturelle. Un tel processus vient d'être découvert chez une fourmi australienne par des chercheurs parisiens (CNRS/Université Pierre et Marie Curie/ENS). Ils ont établi un modèle mathématique montrant qu'une telle colonie devait être capable de changer de stratégie de dispersion en fonction de son environnement. Or, l'observation in situ montre que, suivant le milieu de départ, les reines ne présentent effectivement pas la même taille. En comparant les réserves métaboliques de reines en vol nuptial entre deux groupes de colonies, les scientifiques ont constaté une différence. En milieu tropical, les colonies produisent de nombreuses reines, mais de faible qualité. Au contraire, dans les forêts tempérées, où l'hiver rend incertaine la survie, les reines sont moins nombreuses mais plus lourdes, disposant de plus de réserves. Mais quand la dispersion est un échec, des ouvrières prennent alors le rôle de pondeuses. Non-ailées, elles se dispersent moins loin, mais sont moins coûteuses que les reines. L'observation valide donc le modèle mathématique, qui prévoyait un tel changement de stratégie en fonction des ressources et du milieu.

De l'origine du parfum de thé chez les roses
Tous les amoureux des jardins vous le diront : les roses sont les reines des fleurs. Issues du croisement au dix-neuvième siècle de rosiers chinois et européens, les rosiers modernes livrent à ceux qui respirent leurs fleurs un léger parfum de thé, ce qui leur a valu le nom d' « hybrides de thé ». Si on sait que cette fragrance (due à une molécule nommée DMT) provient des rosiers chinois, on ignorait jusqu'alors quelle était l'origine évolutive de ce parfum. C'est ce qu'ont cherché à déterminer des scientifiques de l’INRA et de l’ENS Lyon. Leur analyse à conduit à penser que la présence de DMT est due à l'action de deux gènes, OOMT1 et OOMT2. Si toutes les roses sauvages possèdent le gène OOMT2, seules les roses chinois possèdent OOMT1. Or, les chercheurs ont identifié une mutation sur le gène chinois, rendant plus performante la synthèse de DMT. Le croisement des roses européennes et chinoises a par conséquent conduit à combiner les deux gènes qui décuplent conjointement la synthèse de parfum de thé. Ce schéma en apparence simple ne manquera pas de mieux appréhender les difficultés à obtenir des variétés de rosiers à la fois productives et parfumées.

Communication sonore : une origine unique pour tous les vertébrés
Même si un proverbe vante le mutisme des carpes, les poissons ne sont pas tous dénués de parole. Le poisson-crapaud à nageoire unie (Porichthys notatus) est capable, au même titre que la quasi-majorité des vertébrés, d'émettre des sons par la bouche. Que ce soit pour défendre son territoire ou pour faire la cour à une femelle, ce poisson a la faculté de faire vibrer sa vessie natatoire, un organe de flottaison, grâce à des muscles rapides. Une nouvelle étude américaine vient de démontrer que, lors du développement de la larve de ce poisson, dès que les muscles se connectent à la vessie natatoire, une région spécifique du cerveau se met en place à son tour. Or, la position de cette région est très proche de celle qui innerve les organes vocaux chez d'autres classes de vertébrés. En partant de ce constat, les scientifiques suggèrent qu'un organe vocal primitif et son région cérébrale associée sont apparus chez les premiers vertébrés aquatiques, 400 millions d'années en arrière. Par la suite, chacun aurait inventé son propre système d'émission sonore : la vessie natatoire des poissons, le syrinx des oiseaux ou le larynx chez les mammifères.